La nuit du 1er au 2 août, un drame prenait forme sur le site de la Courrouze dans ce triangle enserré à la sortie ouest de la gare de Rennes entres les voies conduisant vers Brest et vers Quimper.
La veille, les troupes alliées de Patton avaient atteint les faubourgs nord de la ville de Rennes. Elles s’étaient heurtées à une fort barrage allemand d’armes lourdes et avaient perdu plusieurs hommes, tués, blessés, ainsi que du matériel blindé.
Des obus avaient été tirés sur la ville. Certrains avaient atteint la prison Jacques Cartier. Des prisonnières avaient défoncé des portes des cellules pour se mettre à l’abri en bas.
Alors que les événements tournaient radicalement en leur défaveur, les Allemands mettaient en œuvre un machiavélique plan d’évacuation de la prison puis du quartier Margueritte avant d’abandonner la ville et de fuir.
Au milieu de la nuit du 1er au 2 août, une longue colonne de prisonnières étaient conduite, à pied, cinq par cinq, jusqu’à La Courrouze où avait été formé un rame de wagons à bestiaux et de quelques rares voitures à voyageurs…réservées au confort de l’occupant.
Au milieu de la nuit noire, les femmes avaient été entassées à 40, 50, 60 et plus par wagon.
Vers 6 heures au matin, s’engageait en direction de Redon ce qui allait être la tête du dernier convoi de prisonniers et de déportés parti de Rennes à l’avant-veille et à la veille de sa libération.
Au milieu de la nuit du 2 au 3 août l’aviation anglaise bombarde les voies principales entre la gare et La Courrouze.
Est-ce cet événement qui aurait amené les Allemands à changer de point d’embarquement et à conduire un autre groupe à La Prévalaye au lieu de la Courrouze ? A St Jacques, parmi cette seconde cohorte emmenée par le boulevard Mermoz, Roger Dodin passe à quelques mètres de sa maison (actuellement rue Roger Dodin). Des bâtiments sont en feu.
Le lendemain matin, vers 4 heures, une seconde rame quitte la Prévalaye et s’inscrit dans le sillage de la précédente en direction de Redon.
Le parcours va durer une quinzaine de jours avant d’arriver à Belfort dans la matinée du 15 août.
Il fait une chaleur accablante, torride. Les prisonniers n’ont ni à manger ni à boire hormis quelques succints ravitaillement par la Croix rouge et la population. Ils étouffent dans cette atmosphère empuantie. Impossible de s’allonger sur le plancher des wagons. La tinette déborde et se renverse au gré des secousses… situation indicible.
Tout au long du trajet des prisonniers, hommes et femmes sont ajoutés. Combien ce convoi en comptera-til ? Impossible de le dire. Vraisemblablement entre 1500 et 2000, peut-être plus. Résistants, politiques, otages, soldats coloniaux, mais aissi soldats alliés, Américains Canadiens, Brtitanniques et encore soldats russes et allemands comme cette centaine d’officiers de la Luftwaffe impliqués dans l’affaire des Walkyries, complot contre Hitler, incorporés lors de l’arrêt du train à Nantes.
Se tous, ce convoi est vraisemblablement celui qui a connu le plus grand nombre d’évasions, probablement plus de 300 et aussi des tués dont 23 en gare de Langeais lors de mitraillages par des avions américains.
A leur arrivée à Belfort, les prisonniers, hommes comme femmes, sont enfermés au Fort Hatry en l’attente de leur envoi en déportation. Là se produit un événement extraordinaire, la libération de 241 prisonniers dont 70 femmes qui ainsi échapperont aux camps de concentration grace à Charles SCHLAGDENHAUFEN, alias " Charly " un prisonnier alsacien incorporé de force dans la Wehrmacht puis nommé adjoint au surveillant-chef de la prison de Nantes et interprète.
Dimanche 2 aôut 2015 à 11 heures un mémorial dédié aux prisonniers et déportés du convoi dit " Train de Langeais " sera inauguré à la Courrouze. Il aura fallu attendre 71 ans et 10 années de démarches déterminées pour y arriver.
Hélas très peu de ceux qui ont vécu ce drame sont encore en vie mais nombreux seront vraisemblablement les membres des familles tels : 5 decendantes du Général Allard chef de l’Armée secréte zone M2 puis M4 dont l’épouse et la belle-fille ont été de ce convoi avant, pour l’épouse, d’être assassinée par les nazis à Ravensbrück. Enonçons quelques noms de familles à seul fin de citation : Tardif tué à Langeais, Morin, Sillard, Morel, Provostic, Redoute, descendants de déportés, Dodin, Kerautret, Fonferrier familles d’évadés, J-A Shipley nièce de l’aviateur américain J. Wonning, blessé, évadé, la famille de Charles Schlagdenhaufen. Et aussi le Consulat des Etats-Unis, le Comité d’Action de la Résistance, la Fondation de la Résistance et les Réseaux Buck… et beaucoup d’autres parmi les quelques 200 invitations ciblées.
Son long quai d’origine consolidé, 130 mètres, sa large allée de granit, ses 29 plaques en bronze massif et ses interfaces de rencontre, jardins partagés, bowl de skate, blocs de repos font de ce mémorial un ensemble architectural exemplaire ouvert, sobre et puissant.
Cette cérémonie sera ouverte à tous sans réservation ni invitation.
Jean-Claude BOURGEON juin 2015